

Chers visiteurs,
Mon épouse et moi-même, ainsi que nos enfants, sommes ravis de vous accueillir à l'Islette. Le château, bien sûr, sera le point central de votre visite. Toutefois, cette propriété avec la rivière qui la traverse, son moulin, le parc à l'anglaise et un jardin, certes structuré devant la façade sud mais demeurant pour le reste très proche de la nature, forme un ensemble d'une grande harmonie, je crois, et qui, je le souhaite, vous enchantera.
Mes parents en avaient fait l'acquisition au milieu des années 60 alors que le monument était en particulier mauvais état. Nous leur devons de l'avoir sauvé en faisant réaliser d’importants travaux de restauration. Cependant dans un tel lieu, vous vous en doutez, les projets ne manquent pas. Ils rythment notre vie depuis que nous avons repris l'Islette en 2010 et l'avons alors ouvert au public. La tâche n'est pas nécessairement mince mais elle est assurément exaltante. Et votre présence nous y encourage. Je vous en remercie et vous souhaite une belle visite.
Pierre-André Michaud
Chers visiteurs,
Je suis heureuse de vous recevoir dans cette maison.
Nous y habitons, en famille, cinq mois de l'année. Les sept autres mois vous sont réservés, et nous déménageons dans la ferme voisine afin de vous permettre de la découvrir. Son organisation intérieure, la taille de ses pièces et leur distribution, la lumière traversante qui les éclaire, sont autant de caractères qui la rendent très agréable à vivre. C'est cette dimension chaleureuse, et au final très humaine, que nous souhaitions vous faire partager et qui nous a amené à choisir de vous laisser accéder à des pièces que l'on pourrait considérer comme personnelles, voire intimes.
J'aime ce lieu, vivant, pour sa beauté bien sûr mais, peut-être plus encore, parce qu'il m'offre l'occasion de tant de belles rencontres. J'espère très sincèrement que vous l'apprécierez aussi.
Bénédicte Michaud

PORCHE D’ENTRÉE
Composé d’un porche en pierre encadré de deux pavillons carré, l’ensemble date du début du XVIIème siècle. Il porte d’ailleurs un millésime, gravé à l’extérieur : 1638. Cette date ne doit cependant pas prêter à confusion, car le château lui-même a été achevé vers 1530.
MOULIN – RIVIÈRE
À l’origine moulin « banal », c’est-à-dire dont les gens dépendant de la seigneurie étaient tenus de se servir pour moudre leur blé... moyennant une redevance au seigneur, l’ancien moulin a été transformé depuis l’après-guerre en maison d’habitation. Son mécanisme a disparu, mais l’examen du cadastre napoléonien nous apprend qu’il était pourvu de deux roues, une de chaque côté, correspondant certainement à deux productions différentes.
Quant à la rivière, il s’agit de l’Indre, autour de laquelle la propriété (50 ha environ) s’étire. L’élément eau, primordial à l’Islette (« petite île »), est intimement lié à la beauté et au charme du site. La rivière forme aussi la frontière naturelle entre deux communes : celle d’Azay-le-Rideau, rive droite, par laquelle on entre, et celle de Cheillé, rive gauche, sur laquelle le château est édifié.

Cette partie est la plus ancienne du château et remonte au XVème siècle. Lors de la construction, à la Renaissance, du monument qui subsiste de nos jours, existait en retour d’aile, en direction de la rivière, un ancien logis seigneurial. Cette construction en brique et pierre, innovation introduite en Touraine par Louis XI, d'une longueur d'environ 25 mètres, a été détruite au XVIIIème. Il n'en reste que cette partie - certainement un pavillon d’angle - qui faisait la jonction avec le nouveau château. Tout ce qui apparaît en briques uniquement correspondait à des parois intérieures, alors que les murs en briques et tuffeau constituaient les murs extérieurs. On distingue que cet ancien édifice était plus bas ; on remarque également différentes ouvertures qui permettaient de communiquer et qui ont été bouchées, ainsi que la marque de la pente du toit.
Cependant, l’existence de l’Islette est plus ancienne encore puisqu’on sait, d’un texte de 1295, qu’elle était à l’époque la propriété d'Adam Panaterius, bailli de Touraine.

Se développant sur 54 m avec ses deux tours, la monumentalité de cette façade Renaissance témoigne de l’ambition architecturale qui a présidé à la conception de l’Islette. En atteste aussi le choix d’une élévation sur 4 niveaux avec les combles. Au-delà des similitudes stylistiques avec le château d’Azay-le-Rideau, le projet de l’Islette a certainement été conçu antérieurement mais, du fait de son ampleur, a progressé plus lentement.
Les deux puissantes tours d’angle, héritières de celles des châteaux médiévaux, encadrent un corps de logis à la façade très régulière, rythmée par des fenêtres de proportions identiques. Ces fenêtres, ornées d’une volute au centre du linteau, étaient au XVIème toutes à meneaux comme cela reste notamment le cas au second étage. Les étages sont séparés par un double corps de moulures formant un bandeau. Et l’ensemble est couronné par un chemin de ronde sur mâchicoulis.
Construit en belle pierre de taille, du tuffeau jaune à grains provenant de carrières toutes proches, le château était à l’origine entouré de douves (à l’emplacement des actuels gravillons). Et il subsiste d’ailleurs, au-dessus de la porte d’entrée, les deux rainures du pont-levis qui permettait d’accéder au château. De plus, les toitures des tours étaient pointues et les lucarnes surmontées d’un gâble de pierres sculptées.
Vers les années 1830/1840, Jean-Baptiste Dupuy, alors propriétaire, combla les douves, tronqua les tours et rogna les lucarnes, donnant à l’Islette sa physionomie actuelle. Pourquoi de telles modifications ? Par mesures d’économies, a-t-on longtemps pensé. On suppose plutôt, aujourd’hui, que cet homme, riche et à la forte personnalité, a voulu s’approprier le lieu, y laisser son empreinte.

CARTOUCHE SCULPTÉ
Situé au-dessus de la porte d’entrée, ce motif sculpté, d’une particulière finesse, est d’époque Renaissance. Au centre, deux figures nues masculines tiennent un heaume, surmontant un blason, le tout entouré d’une couronne de fleurs et de fruits, symbole d’abondance, de richesse ; dessous, un beau paysage avec moulin à vent et clocher. La richesse et le soin apporté à ce bas-relief indiquent à quel point on a voulu valoriser cette entrée.
CADRAN SOLAIRE
Datant de la seconde moitié du XVIIIème siècle, l’intérêt du cadran solaire résulte en particulier de la courbe en 8, appelée analemme, qui y est représentée en son milieu. Lorsqu’il est midi au soleil, l’ombre du style rencontre la courbe en 8. Les signes du zodiaque qui la parcourent nous permettent ainsi de connaître la période de l’année à laquelle nous nous trouvons.

Peints au début du XVIIème siècle, les décors de la chapelle ont retrouvé toute leur beauté grâce à une restauration réalisée en 2012. La voûte sur croisée d’ogives est ornée d’un semis d’étoiles à six branches dorées à la feuille, sur un fond bleu de lapis- lazuli. Les nervures, assises sur des chapiteaux-culots sculptés, sont rehaussées par une frise décorative végétale stylisée.
Avant sa transformation en chapelle, ce niveau devait être aveugle et n’avoir que des fonctions défensives comme pour la tour sud-ouest. Deux canonnières à la française visibles de l’extérieur en témoignent.

Pour accéder à cette salle, on emprunte le hall d’entrée, point de passage obligé pour pénétrer dans le château par le pont-levis qui existait à l’origine. Le monument était en effet cerné de douves. On le voit fort bien sur le cadastre napoléonien dont une reproduction figure dans cette pièce. Remarquez aussi la gravure ancienne : il s’agit de celle de l’Islette, entouré de l’eau des douves, avec ses tours pointues et ses lucarnes, avant donc les modifications réalisées au XIXème.
Cette salle, également restaurée, a été dédiée à Camille Claudel et à Rodin, notamment grâce à des documents très intéressants qui nous ont aimablement été fournis par le Musée Rodin. Il s’agit en particulier de lettres des deux artistes ayant un lien avec l’Islette ou emblématiques de leurs relations sentimentales, de leur personnalité.
CAMILLE CLAUDEL ET AUGUSTE RODIN, LA PASSION DE DEUX ARTISTES
En 1882, Camille Claudel devint l’élève d’Auguste Rodin ; elle avait 17 ans alors que ce dernier en avait 41. Exceptionnellement douée, elle intégra très vite son atelier. De cette rencontre naquit une double passion entre les deux sculpteurs, tant amoureuse qu’artistique, qui dura une dizaine d’années.
Excédée d’être cantonnée au rôle d’élève et désirant s’en émanciper pour être reconnue pour son propre travail de création, Camille Claudel rompit en 1892. Elle avait aussi compris que Rodin n’abandonnerait pas pour elle sa compagne, Rose Beuret.
CAMILLE CLAUDEL ET AUGUSTE RODIN À L’ISLETTE
L’Islette abrita à plusieurs reprises, au début des années 1890, les amours passionnées des deux grands sculpteurs. La propriété fut pour eux un havre de paix. Leur liaison n’étant pas officielle, il s’agissait donc d’un lieu où ils aimaient se retirer. Pourquoi ici ? En juillet 1889, Rodin découvrit la Loire et ses châteaux dont il fit de nombreux dessins – notamment celui de l’Islette (dans la salle du commun) – et l’on suppose que c’est lors de ce premier voyage qu’il remarqua le château. Et les propriétaires de l’époque, tout simplement, recevaient des hôtes payants. Ils y revinrent tous deux au cours des étés 1890, 1891 et 1892.
MONUMENT À BALZAC
(voir les photos immédiatement à gauche en entrant dans la salle du commun)
En août 1891, la Société des Gens de Lettres, sous la présidence d’Émile Zola, attribua à Rodin la commande d’un Monument à Balzac. Enthousiaste, l’artiste revint séjourner à l’Islette et, recherchant un modèle au type tourangeau, il le trouva en la personne d’un voiturier d’Azay-le-Rideau, nommé Estager, dont la ressemblance avec le grand écrivain était paraît-il frappante. Rodin, qui avant d’habiller ses personnages, commençait toujours par les sculpter nus, dut payer à Estager un louis d’or par séance afin que celui-là consente à dévoiler son anatomie ! S’est donc déroulée, à l’Islette, toute une phase initiale importante dans la création du Monument à Balzac. L’œuvre ne sera achevée qu’en 1898, pour d’ailleurs être refusée. Pas assez ressemblante pour la majorité de ses contemporains ; Rodin, lui, avait voulu dresser un portrait moral de l'artiste. Il l’emportera alors dans sa villa des Brillants à Meudon et elle ne sera implantée à Paris, au carrefour Vavin, que le 1er juillet 1939, bien après sa mort en 1917.

La Grande Salle, par la beauté et la qualité de ses décors, constitue l’orgueil de ce château. Et elle apparaît à nos yeux plus prestigieuse encore quand on imagine qu’elle a pu servir d’atelier à Camille Claudel et à Rodin lors de leurs séjours à l’Islette.
Elle est dénommée Salle Saint-Paul en raison d’un tableau représentant la conversion de Paul sur le chemin de Damas qui ornait auparavant la cheminée. Il a disparu depuis et a été remplacé par une Vierge à l’Enfant attribuée à l’école de Simon Vouet.
Cette salle (14 m de long sur 8 m de large et 5 m de hauteur sous plafond) offre une remarquable décoration picturale du début du XVIIème siècle, constituant un programme iconographique de haute portée symbolique et théologique, témoignage de cette période marquée par les conflits confessionnels. Sont peints, le plafond dans sa totalité, la cheminée, les boiseries des soubassements, les panneaux en imposte au-dessus des portes, il en manque toutefois un, mais aussi tout une frise qui court en haut des murs. Sur les plinthes, alternent des petits tableaux soit de bouquets de fleurs élégants, soit de paysages ayant souvent pour thème l’eau, élément si présent à l’Islette : on peut par exemple distinguer une scène de pêche ou encore une bergère gardant ses moutons en bordure de rivière.
Sur la frise, différents médaillons ont également été peints : entre autres, à droite de la cheminée, Venus, déesse de la beauté et Éros, divinité de l’amour, armé de son arc et de son carquois ; en face, de l’autre côté de la salle, une scène de combat. L’ensemble est richement décoré de fruits et de fleurs symbolisant l’abondance.
CHEMINÉE
Sous le tableau central ornant la cheminée (la Vierge et l’Enfant), un médaillon peint décrit une scène de chasse, toujours au bord d’un cours d’eau, ce qui souligne une fois de plus l’importance de cet élément à l’Islette. De chaque côté du tableau sont représentées des allégories de vertus que le seigneur des lieux a dû vouloir souligner. Sur la gauche, deux vertus théologales : en bas l’Espérance reconnaissable à son ancre ; au-dessus, la Foi, avec comme attributs, une bible et un crucifix. Il en existe une troisième que l’on ne retrouve pas ici : la Charité. Quant aux vertus cardinales, outre la prudence et la tempérance qui n’apparaissent pas, on distingue, côté droit, la justice et la force. Enfin, de près, on peut remarquer que les quatre faisceaux d’armes sont des rajouts. La cheminée est encore très ouvragée, mais à leur place, devaient certainement à l’origine exister des motifs sculptés.
FRISE DES BLASONS
Le château a été construit vers 1530 par René de Maillé, membre d’une importante famille de la noblesse tourangelle qui le posséda pendant trois siècles, de 1350 à 1650 environ, et l’on doit cette frise de 27 blasons, peinte en haut des murs, à son arrière-petit-fils, Charles de Maillé, devenu marquis en 1612. Elle possède un intérêt historique tout particulier ici puisque les blasons des Maillé, les propriétaires de l’Islette, occupent toute la frise côté sud pour aboutir, au milieu, en face de la cheminée, à celui de Charles, surmonté de la couronne de marquis (ceux de sa famille maternelle sont représentés côté nord).
Parmi ces blasons, figure toutefois un intrus : il n’a rien de noble celui-là ! C’est celui en haut de la cheminée que se fit peindre Dupuy (on y voit bien un puits !), le propriétaire qui décida des travaux de façade réalisés au XIXème siècle.

CHAMBRE DANS LA TOUR OUEST
Pièce carrée dans une tour ronde, l’épaisseur de ses murs (2 m 30) a été mise à profit... Peut-être Camille Claudel logeait-elle dans cette chambre. En effet, d’une part on sait que Rodin louait plusieurs pièces à cet étage et, d’autre part, dans une lettre qu’elle lui adressa le 25 juin 1893, elle lui écrivit : « Mlle Vaissier est venue me voir et m’a raconté toutes sortes de fables forgées sur moi à l’Islette. Il paraît que je sors la nuit par la fenêtre de ma tour, suspendue à une ombrelle rouge avec laquelle je mets le feu dans la forêt !!! »

PETITE CHAMBRE AUX MURS EN BRIQUE
On y retrouve l’ancienne partie XVème de l’édifice, côté intérieur cette fois Ce parement de briques, avec ses joints dits « serrés au fer » – de près, on voit bien les deux pans du joint correspondant aux coups de truelle du maçon – est resté tel qu’à l’époque.

Vous voici dans l’autre tour du château, celle située à l’est. Nous sommes juste au-dessus de la chapelle ; une des portes, fermée à clé, donne sur un petit escalier creusé dans le mur permettant d’y accéder.
Aujourd’hui, cette pièce a été aménagée en cuisine. Ici aussi, vous l’aurez remarqué, l’épaisseur des murs a été mise à profit. En témoigne l’électroménager, et notamment le Frigidaire, de la marque, que Monsieur et Madame Michaud voulaient absolument garder et qu’ils ont donc entièrement fait réparer. Enfin, remarquez aussi la jolie vue sur la rivière.
Vous avez traversé l’ensemble de ce premier étage, d’une tour à l’autre.
Le second étage a une distribution identique à celui-ci. Il ne sera a priori jamais ouvert à la visite. Il est constitué d’autres pièces à vivre à l’usage privé des propriétaires.

Cette pièce, très agréable à vivre, grâce notamment aux grandes fenêtres qui lui donnent la journée beaucoup de luminosité, offre une jolie vue sur le jardin.
À la Renaissance, cette pièce et la cuisine formaient certainement l’appartement du seigneur. L’actuelle salle à manger en constituait la chambre, avec son lit placé à côté de la cheminée (pan de mur le plus large) et à la cuisine correspondait la garde-robe. Et la petite pièce couverte d’une jolie voûte sur croisée d’ogives constituait une étude. Au second étage peut être localisé au même emplacement l’appartement de la maîtresse de maison.
LA PETITE CHÂTELAINE
Camille Claudel, revenant seule à l’Islette à partir de septembre 1892, certainement pour se remettre d’une grossesse non menée à son terme, et à l’heure de la rupture d’avec Rodin, fit poser à 62 reprises la petite Marguerite Boyer, 6 ans, petite-fille des propriétaires. De ces nombreuses séances, elle réalisa La Petite Châtelaine, l’une de ses sculptures les plus célèbres, « la Petite de l’Islette » ainsi qu’elle l’appelait, peut-être l’enfant qu’elle n’a jamais eu. A la vue d’un des marbres, Rodin déclara : « Ce buste m’a donné le coup de poing de l’émulation ».
Il existe plusieurs variantes de La Petite Châtelaine, la différence tenant à la chevelure. Vous pouvez admirer ici un bronze de cette merveilleuse sculpture, à patine brune nuancée. Il s’agit du modèle à natte courbe serrée.
LES CAUSEUSES
Toujours dans la salle à manger, un bronze original des Causeuses de Camille Claudel. À partir de 1892, celle-ci se démarque de Rodin en particulier avec des sculptures miniatures représentant des scènes de la vie ordinaire au caractère intimiste. Elle reçoit de nombreux éloges et en multiplie les versions. Le modèle présenté ici est en bronze à patine brun-noir, signé "C. Claudel 1896" sur le devant.
MERCI DE VOTRE VISITE !